Suite à un article publié dans le magazine américain Kungfu Magazine, nous avons décidé de revenir sur l’histoire du Wushu moderne dans un dossier largement inspiré de l’article de M. An Tianrong. L’évolution récente des arts martiaux chinois, sous le nom de Wushu moderne, fait l’objet de nombreux débats et critiques entre traditionalistes et partisans du moderne. Ce dossier n’a pas pour objectif de convaincre les uns ou les autres du bien-fondé ou non de ces évolutions, mais de donner les éléments historiques et sociologiques qui ont amené à ces changements.
Le choix de styles représentatifs et de critères de jugement
L’histoire des arts martiaux s’étend sur une longue période de 3000 ans, dont les prémisses étaient à but principalement militaire. À l’origine, le principe de rencontre et de compétition a également été utilisé dans les armées. Après la guerre navale avec les Japonais en 1894, les dirigeants de la dynastie Qing ont commencé à utiliser les armes à feu (occidentales) pour équiper leurs armées. Avec elles, les sports occidentaux sont introduits en Chine. Pendant la période Minguo, le Wushu est intégré dans les sports modernes.
Comme tout sport en compétition, le Wushu avait besoin de règles, de critères de jugement pour départager les participants de manière équitable. Comment établir des règles alors que les arts martiaux traditionnels chinois comportent des centaines de styles très variés ? Sous la République populaire de Chine, le Comité national des sports a organisé une enquête nationale sur plus de 8000 pratiquants. Après la classification des styles, on compte toujours 129 catégories qu’il est impossible d’organiser en compétition.
En 1959, le Comité national des sports réunit quelques représentants des styles de Wushu pour définir un programme que nous appelons aujourd’hui Wushu moderne.
Les premières rencontres de Wushu moderne
Entre 1953 et 1958, des conférences et forums d’échange annuels sont organisés. Chaque école est invitée à présenter les caractéristiques de son style. Les juges déterminent les premières et secondes places selon la « performance » dans 18 styles de Wushu. Le comité national a alors établi les catégories sabre (dao), bâton (gun), lance (qiang) et mains nues (quan). Des formations dans tout le pays sont organisées de 1959 à 1960. En 1959, le premier règlement de compétition de Wushu est publié. Il a permis aux pratiquants de se mesurer dans les mêmes groupes.
Dès les premières compétitions, le style Changquan (boxe longue) fait l’objet de modifications par les pratiquants, cherchant à se démarquer avec leurs propres mouvements. Au fur et à mesure, les critères de position, vitesse, force, difficulté de mouvements et d’enchaînement sont mis en avant.
Dans les années 60, la Commission d’activités physiques et sportives veut améliorer la qualité, la difficulté et l’esthétique du Wushu. Toutes les équipes professionnelles de Wushu développent leur qualité de vitesse, rythme et stabilité. Certaines équipes privilégient telle ou telle qualité. Le niveau de difficulté augmente et l’on voit apparaître des mouvements rotatifs de 360° voire 720°.
Recomposition des programmes
Autour des années 70, les programmes sont revus après un blocage de 20 ans. Les styles Taiji, Boxe du Sud (Nanquan), Xingyi, BaguaZhang sont inclus. Un nouveau règlement est publié en 1973 puis en 1979. Avec l’intérêt grandissant pour les compétitions, les styles traditionnels sont écartés. Une orientation gymnique et acrobatique est clairement établie dans le règlement de 1979, se distinguant de plus en plus des techniques de combat pur. Pour certains, ces changements sont conformes à l’esprit des arts martiaux, qui évolue avec les exigences de la vie moderne sans oublier ses racines millénaires. Pour d’autres, l’esthétique ne constitue pas un critère « noble » des arts martiaux.
La promotion du Wushu dans le monde
Les années 80 voient grandir la popularité des arts martiaux. À la fin de l’année 1982, un groupe d’étude National de Wushu est organisé. Des décisions marquantes sont alors prises. Tout d’abord, promouvoir les arts martiaux chinois dans le monde pour leurs qualités sportives, humaines et sur la santé. Ensuite, lancer des recherches sur l’histoire des arts martiaux chinois, préserver ou retrouver des styles oubliés ou exclusifs et développer le Wushu en Chine. Enfin, développer la recherche sur le Wushu, son enseignement, ses qualités sportives.
Après « l’association académique d’arts martiaux chinois », c’est à « l’institut de recherche de Wushu (Chinois) » qu’est confiée la tâche d’organiser le développement du Wushu. Durant ces années, de nombreux athlètes se démarquent par leurs performances en compétition (Chen Daoyun, Wang Jinbao, Li LianJie, Zheng Jian guo..). Depuis le premier tournoi international de Wushu en 1985, d’autres rencontres annuelles ont lieu avec l’aide d’organisations d’autres continents (Europe, Amérique du Sud, Asie et d’autres). L’apparition au cinéma de Jet Li dans « Le temple Shaolin » attire de nombreux pratiquants vers le Wushu moderne. En 1988, le Wushu entre au programme des Jeux asiatiques. En 1990 est fondée la Fédération internationale de Wushu (IWUF), suivie des premiers championnats du Monde. Le 16 octobre 2004, le premier festival international de Wushu traditionnel est organisé à Zhengzhou, marquant un retour attendu par de nombreux pratiquants des styles traditionnels.
Références :
Zhongguo Wushu bai ke quan shu Kungfu Magazine – « Competitive Wushu » par An Tianrong.
Article tiré du site https://www.kungfuwushu.org