A Taiwan, un maître perpétue le formidable patrimoine martial qu'est le bagua zhang. Les secrets de cette boxe chinoise, il les détient d'autres maître aujourd'dui disparus et qui appartiennent à la grande histoire du kung fu wushu. Ce maître, c'est Luo De-xiu, aujourd'hui âgé de 48 ans, celui que certains appellent le messager. Après avoir débuté en 1968 les arts martiaux par le Shaolin, il intègre plus tard la célèbre école de xing yi quan de Hung I-Hsiang, lui-même élève du très fameux Chang Chun-feng.Au début des années 70, les arts martiaux sont au sommet de leur popularité à Taiwan. C'est à cette période que Maître Luo De-xiu devient l'un des premiers disciple de Hung I-hsiang et l'un des meilleurs combattants de sa génération. A partir de 1972, il remporte la majorité des tournois et démontre ainsi l'efficacité des techniques de xing yi quan en combat. Vers 1974, maître Luo qui souhaite élargir sa vision du wushu, rencontre plusieurs maîtres à Taïwan. L'un des premiers qu'il contacte est le frère de Hung I-Hsiang, Hung-I Mien. Jusqu'alors, maître Luo De-xiu avait étudié principalement le xing yi. Avec Hung I-Mien, il aborde un autre versant des arts martiaux chinois interne : le Bagua zhang. Un véritable parcours initiatique commence alors pour Luo De-xiu. Aujourd'hui, maître Luo continue après trente ans de pratique du wushu, d'enseigner avec enthousiasme le bagua zhang. Il possède une connaissance extrême de la théorie et des principes. Son art du bagua du style de Gao Yi-sheng bénéficie aujourd'hui d'une renommée mondiale.
Le Bagua Zhangs s'avère être une boxe chinoise redoutable. Quels sont les secrets de cette efficacité ?
L'expert de Bagua se meut continuellement sans que l'on puisse prévoir ses actions. Tout repose sur l'art des transformations car dans le bagua zhang techniques et déplacements résultent de combinaisons en spirale. La pratique martiale s'appuie sur des changements d'angles d'attaque. Le principe de transformation permet de déstructurer la posture de l'adversaire puis de pénétrer sa garde pour lui infliger une terrible et ultime frappe. Il faut déséquilibrer le partenaire pour le projeter. Puis, pivoter soudainement en abandonnant l'axe de projection, pour le frapper. Lorsque j'enseigne le bagua zhang, je démontre réellement à mes élèves les forces inhérentes aux techniques. L'étudiant doit lui-même ressentir l'application et en goûter toute la subtilité et la puissance. Et pas seulement regarder la technique. Je prend bien sûr suffisamment de précaution pour ne pas le blesser.
Quelles sont les principes sur lesquels repose la pratique du bagua zhang dans le style de Gao Yi-sheng ?
La pratique du Bagua zhang, style Gao Yi -sheng, reposent essentiellement sur la pratique de huit enchaînements circulaires, dit bagua du ciel antérieur, et des 64 techniques linéaires du bagua du ciel postérieur. En pratiquant les 64 techniques linéaires, l'étudiant renforce en effet son corps, le structure, et développe sa force interne. Il peut ainsi comprendre l'essence des mouvements pour plus tard en appliquer les principes au domaine martiale. Si l'étudiant peut découvrir les principes qui régissent la forme alors il pourra les utiliser en combat. Le bagua zhang repose à l'origine sur la marche en cercle et le développement de technique en spirale. Le boxeur pivote sur lui-même à l'image de la terre qui lors de sa révolution autour du soleil effectue une rotation sur elle-même La pratique s'appuie naturellement sur un système de percussions, de torsions et de projections. A la façon d'une tornade, l'art du Bagua produit des forces centripètes et centrifuges.
Quels sont les grands principes énergétiques qui régissent le bagua zhang ?
L'explosion d'énergie en bagua zhang résulte du contrôle de l'esprit et de la capacité à focaliser toute la puissance du corps vers une cible précise. La force qui en résulte peut jaillir de n'importe quelle partie du corps et s'appliquent à toutes les techniques du bagua : frappe, coup de pied, luxation et projection. Dans le bagua zhang, cette force est provoquée par les techniques de rotation et de vrille. Plus particulièrement, le combattant en bagua zhang tourne soit autours d'un point extérieur à son corps ( la marche en cercle) soit effectue une rotation sur son propre axe (changement de paume). De fait, l'énergie en spirale du bagua zhang résulte de la combinaison des forces horizontale (Heng Jing) et verticale ( Shu jing).
Qu'est ce qui différencie la stratégie du bagua zhang des autres arts martiaux ?
C'est la stratégie du combat qui différencie le bagua zhang des autres arts martiaux. L'expérience du combat et le propre talent de Dong Hai-quan lui ont permis de créer une stratégie du combat encore jamais apparue dans l'histoire de Chine. En fait, la théorie du combat en bagua zhang rejette l'opposition des forces pour adopter une sorte d'esprit de guérilla. Le pratiquant de bagua cherche sans cesse à éviter la confrontation directe pour mieux attaquer ou contre-attaquer les angles faibles (articulations) de l'adversaire.
En pivotant et en contournant les forces de l'adversaire, l'adepte du bagua zhang se place toujours en position de supériorité et peut alors projeter toute la puissance de son corps. Cette stratégie permet au plus faible de produire une force maximum sur les parties vulnérables d'un adversaire au départ plus robuste. Lorsque l'adversaire est déstructuré il devient alors très vulnérable. Finalement, grâce à un corps relâché et à la stabilité de son esprit, le pratiquant de bagua zhang peut maîtriser la situation en transformant spontanément ses réactions. En fait, le bagua est autant un kung fu qu'un concept de transformation mentale: cet art bagua possède en son centre de profonds principes philosophiques dont l'expression sont les mouvements et les formes.