Le Bagua Zhang, également connu sous le nom de Pa Kua ou la boxe des huit trigrammes, est l'un des trois grands styles internes (Neija) de Kung Fu, originaire de la tradition Wudang en Chine. En plus du Taijiquan (Taichi chuan) et du Xingyiquan (Hsing I Chuan), le Bagua Zhang tire ses racines des pratiques taoïstes du Mont Wudang, situé dans le Hubei, atteignant une altitude de 1600 mètres.
Au XVIIIe siècle, l'école Wudang s'est diversifiée, donnant naissance à plusieurs styles, dont le Baguazhang. Ce style a été popularisé à Pékin par le maître Dong HaiChuan (Tung Hai Chuan), né Dong Ming-Kui en 1797 (ou 1813 selon les sources), dans le comté de Wen'an de la province d'Hebei.
Dong HaiChuan, initialement nommé Dong Ming-Kui, a voyagé pendant 30 à 50 ans (selon différentes sources) à la recherche de maîtres des arts martiaux dans différentes provinces telles que Jiangsu et Anhui. Au cours de ses voyages, il aurait appris les 18 Lohan Quan du style shaolin. Pour échapper à des ennemis qu'il s'était faits au fil des duels, il a changé son nom en Dong Haichuan.
Sur le mont Jiuhua dans la province d'Anhui, Dong HaiChuan a rencontré un jeune ermite taoïste pratiquant des exercices basés sur la paume. Après un combat où il fut vaincu, Dong devint le disciple de l'ermite, nommé Bi Chengxia. Plusieurs années furent consacrées à l'apprentissage des arts martiaux dans cette montagne.
Quittant le mont Jiuhua, Dong HaiChuan parcourut le pays avec la vocation d'aider le peuple contre l'oppression. Pour cela, il fut recherché par la police et trouva refuge comme eunuque à la cour de Su Wang dans la famille de l'Empereur à Pékin.
Lors d'une fête au palais, l'Empereur découvrit les compétences martiales exceptionnelles de Dong HaiChuan. En apportant du thé au souverain avec une rapidité, fluidité, souplesse et efficacité étonnantes, Dong impressionna l'Empereur. En réponse à la demande de Su Wang, il remporta un combat contre le capitaine des gardes du palais, ce qui lui valut le poste de capitaine des gardes du palais. Dong enseigna le Bagua Zhang à Pékin, comptant 56 élèves selon sa stèle funéraire de 1883.
Plus tard, à Pékin, Dong HaiChuan rencontra Guo Yunshen, pratiquant renommé de la "paume divine" du Xingyiquan, qui était venu le défier. La rencontre, légendaire, dura trois jours sans qu'aucun des deux ne puisse l'emporter. Suite à cet affrontement, un accord fut établi entre les pratiquants de Bagua et de Xingyi.
L'origine de la boxe de Dong HaiChuan serait liée à une école du Henan, le Yin Yang bapan zhang ou paume yin yang des huit rotations, attribuée à Dong Menglin. Les bases du Bagua Zhang s'illustrent par l'observation des phénomènes astronomiques de révolution, de rotation et de pivot, symbolisant la marche en tournant autour d'un point, analogue à la rotation de la Terre autour du soleil.
Recherchant décontraction et fluidité gestuelle, le Bagua Zhang se distingue par l'utilisation marquée de la paume ouverte et des déplacements circulaires. En tant qu'art martial interne, il allie une stratégie de combat originale, une thérapeutique énergétique et une discipline spirituelle. Le Ba Gua Zhang englobe diverses écoles, dont l'école Cheng avec sa main du dragon et l'école Yin avec sa main en langue de bœuf.
Les principes du Bagua Zhang, résumés dans les Dix ordres et les huit principes (Shi yao ba fa), comprennent des commandements tels que maintenir la tête et la nuque droites, arrondir le dos avec naturel, et détendre les épaules pour permettre à la force d'atteindre les mains. Les huit principes (Ba Fa) incluent des concepts tels que Tirer, Verrouiller, Arrondir, Agilité-Rapidité, Préserver, Descendre, Plier, et Dresser.
L'art du Bagua Zhang repose sur une stratégie du contournement, évitant le face-à-face pour esquiver les pièges d'un rapport de force défavorable. Les déplacements circulaires et les esquives du corps se font par frottements des membres supérieurs plutôt que par chocs. Ce style inclut également des techniques de frappe et de projection, avec une influence notable de la lutte chinoise Shuai Jiao, notamment dans la lignée Cheng.
En somme, le Bagua Zhang, avec ses racines profondes dans la tradition taoïste et son mélange unique d'aspects martiaux, thérapeutiques et spirituels, demeure une perle singulière parmi les arts martiaux chinois.
Les bases du Bagua s'illustrent par l'observation des phénomènes astronomiques de révolution, de rotation et de pivot. Dans les mouvements de base du Bagua, on marche en tournant autour d'un point, comme la terre tourne autour du soleil. La terre effectue simultanément une révolution autour du soleil et une rotation sur elle-même. Pour conserver cette image, le changement de la paume en Bagua établit le même rapport qu'entre la terre et le soleil.
Recherchant la décontraction et la fluidité dans le geste (avec une prédilection manifeste pour l'utilisation de l'énergie et un refus de la force physique) comme énormément d'autres styles chinois, le Bagua Zhang (ou Pakua chang) se distingue par l'utilisation marquée de la paume de main (c'est-à-dire de la main ouverte, plutôt qu'au poing) et par des déplacements circulaires, des rotations. Comme les autres arts internes, le Ba Gua Zhang est à la fois un art martial fondé sur une stratégie du combat originale (une stratégie du contournement et de l'enroulement), une gestuelle de santé (une thérapeutique énergétique) et une discipline spirituelle fondée sur la répétition du pas glissé, parfois nommé "le pas dans la boue" (ba gua tang ni bu). Comme le Tai Ji Quan ou le Xing Yi Quan, le Ba Gua Zhang ne sert à désigner pas un style unique, mais plutôt une famille d'écoles qui ont des points communs et des différences, autant dans les déplacements que dans le positionnement des mains. Citons : l'école Cheng avec sa main du dragon (long zhang), l'école Yin (avec sa main en langue de bœuf, niu she zhang) qui sont les plus représentées. Et même toujours au sein de ces écoles, les différents maîtres qui transmettent actuellement leur art ont manifestement chacun leur saveur propre. Un certain nombre de principes sont cependant acceptés par les différentes écoles ; ils sont résumés dans un texte anonyme connu sous le titre de Shi yao ba fa, les Dix ordres et les huit principes.
En voici une traduction envisageable :
- Shi yao : Les 10 Commandements
- Tête : Tête et nuque droites, le regard à l'horizon, le cou vide et le vertex étiré, l'esprit et l'intention présents.
- Dos : Rentrer la poitrine, et arrondir le dos, la force presse le corps en avant, sans tension ni raideur ; il se déploie avec naturel.
- Épaules : Elles communiquent, détendues, relâchées, pour que la force arrive dans les mains.
- Bras : Le bras avant se déplie ; le bras arrière protège le corps, de sorte qu'en roulant ou en perçant, les transformations épousent les inflexions du cœur.
- Coudes : Descendre et baisser les coudes pour que la force soit transmise aux mains ; il faut insister sur les coudes, pour se préserver pendant les attaques.
- Mains : Pouces écartés, majeurs à la verticale, quatre doigts collés, Bouche du Tigre arrondie.
- Taille : Elle est comme un essieu, de sorte que souplesse et dureté alternent ; elle vrille et tourne, avec force et agilité.
- Fesses : Au « fond de la vallée », rétrécir et tirer (contracter le périnée) pour faire communiquer ??, Renmai et Dumai, l'énergie descend au Champ de cinabre ; rétroverser les hanches et rentrer les fesses.
- Cuisses : L'avant des cuisses conduit les mouvements, l'arrière sert d'appui et de contrôle, les genoux sont rassemblés vers l'intérieur et les cuisses avancent comme des ciseaux.
- Pieds : Le pied intérieur avance droit, le pied extérieur est un peu rentrant, glissant comme sur la boue, orteils verrouillés pour saisir le sol.
BA FA : LES HUIT PRINCIPES
Les 3 DING, Tirer
Tirer la tête - pour assurer la verticalité
Tirer la langue (contre le palais) : pour produire la salive, reconnue comme une liqueur précieuse
Tirer les paumes (en cassant les poignets) : pour renforcer les mains, et donner de la force aux doigts
Les 3 KOU, Verrouiller
Verrouiller les épaules : pour que la force se transmette aux coudes
Verrouiller le dos des mains : pour que la force afflue dans les mains
Verrouiller le dos des pieds : en saisissant le sol avec les orteils, de sorte que toute la force enracinée dans les pieds puisse se transmettre à tout le corps et que les positions soient stables
Les 3 YUAN, Arrondir
Arrondir le dos : (en gonflant les omoplates), pour transmettre la force dans les bras
Arrondir la poitrine : pour décontracter les pectoraux et les épaules
Arrondir la Bouche du Tigre : pour transmettre la force dans les doigts et pouvoir l'émettre
Les 3 MIN, Agilité-Rapidité
Le cœur doit être agile et rapide : pour pouvoir s'adapter à l'ensemble des transformations de la situation
Le regard doit être agile et rapide : pour discerner les mouvements dans les six directions
Les mains doivent être agiles et rapides : pour sortir et piquer l'adversaire
Les 3 BAO, Préserver
Préserver le cœur et l'intention : pour que l'énergie ne se perde pas à l'extérieur
Préserver les flancs : pour y retenir toute la force
Préserver l'audace et le courage : pour rester uni face à l'adversaire
Les 3 CHUI, Descendre
Descendre l'énergie au Champ de cinabre (en respirant naturellement).
Descendre les épaules, pour permettre à la force de descendre dans les coudes
Descendre les coudes : pour permettre au dos de s'arrondir
Les 3 QU, Plier
Les bras sont pliés : pour que l'énergie puisse circuler
Les jambes sont pliées : pour pouvoir enraciner le corps
Les poignets sont pliés : pour pouvoir augmenter la force des mains
Les 3 TING, Dresser
Dresser le cou : pour faire monter la vitalité
Dresser la taille : pour permettre à la force de circuler dans tout le corps
Dresser les genoux : pour qu'ils puissent libérer toute leur force, que l'énergie et l'esprit puissent galoper
Extrait de Ba Gua Zhang, Liu Jingru, p. 62-63 et traduit par J. Ravenet dans Transmission Vivante du Ba Gua Zhang (Guy Trédaniel Editeur, 2007)
STRATÉGIE DE COMBAT
L'art du Ba Gua Zhang est fondé sur une stratégie du contournement. Les déplacements circulaires visent à éviter l'affrontement, le face-à-face, c'est-à-dire à esquiver les pièges d'un rapport de force qui jouerait à mon détriment. Il s'agit de se dérober au face-à-face et de passer sur les côtés ou dans le dos de l'adversaire. Les esquives du corps fondées sur ces déplacements se font par frottements des membres supérieurs, plutôt que par chocs. Ce style inclut aussi un travail de frappe et un travail de projection - en particulier dans la lignée Cheng, puisque Cheng Ting Hua était un spécialiste de Shuai Jiao, la lutte chinoise. Quant au travail de frappe, il est rendu complexe par l'inertie de la force centrifuge. C'est pourquoi le Ba Gua Zhang est fréquemment étudié en synergie avec des styles qui compensent cet inconvénient. Le plus fréquemment, il est étudié en même temps que le Xing Yi Quan, la Boxe de la Forme et de l'Intention. L'un des grands derniers maîtres vivants, Liu Jing Ru, le pratique aussi en synergie avec le Liu He Tang Lang Quan, la Mante Religieuse des Six Harmonies. Ces deux derniers styles appartiennent aussi à la famille interne : mais ce sont des styles linéaires qui permettent au contraire de travailler en ligne droite, dans l'axe de l'adversaire.