Bodhidharma & Shaolin dans l'histoire

Bodhidharma & Shaolin dans l'histoire

Au 6e siècle, un moine indien, Boddhidharma, arrive au temple de Shaolin. Après neuf années de méditation, il devient le patriarche du monastère et commence à transmettre son enseignement, qui lie pratique martiale, thérapeutique et religieuse. Son passage marquera pour toujours l'histoire de Shaolin. Mais Boddhidharma ne fut pas le premier.


Le premier moine indien à s'installer à Shaolin Shi n'est pas Boddhidharma mais Batuo, considéré comme «le Premier Grand Ancêtre». A cette époque, le Monastère et son domaine s'étendent sur 36 000 Ha, ce qui est considérable. Ses effectifs s'élèvent à plus de 500 moines ayant prêté serment et à près de 1000 domestiques. Les dons affluant au monastère, il est décidé de laisser la garde du trésor à des moines ayant un statut particulier et connaissant l'art du combat. Batuo demande à ses deux disciples Hui Guang et Zeng Zhou de se charger de l'instruction de ces moines. Ils mettent donc au point une méthode de combat spécifique issue des enseignements de Kun Su Wei et de Iieng Ngai Chan conservés dans les archives. Hui Gang se charge de la «méthode souple» basée sur les saisies et les projections tandis que Zeng Gou utilise la «méthode dure» basée sur des attaques de poing et de jambe. Le premier reçoit le surnom de «Force Fluide» et le second celui de «Force Rigide». Un jour, alors qu'il médite, Zen Gou est attaqué par deux tigres. Se saisissant d'un bâton, il réussit l'exploit de les tuer l'un après l'autre. A la demande des moines, il ajoute la pratique du bâton à son enseignement et en souvenir de l'événement, nomme cette nouvelle pratique «Bâton de la double peau de tigre».


 



 

 

L'ILLUMINE

Vers les années 520, un homme étrange, de forte carrure et à l'air farouche, demande à être reçu en audience par l'Empereur Wu de la Dynastie des Liang à Jian Kuan (l'actuelle Nankin). Sa renommée le précède, il est en effet le 28e successeur de Bouddha et considéré par certains non seulement comme son héritier spirituel, mais comme sa réincarnation vivante. De plus, il est le troisième fils du Roi Sughanda de Madras, de la caste guerrière des Kshatriya. II dit se nommer Boddhidharma, ce qui dans sa langue signifie « l'illuminé ». II apporte, selon lui, la connaissance de la Loi (Dharma) et de la vérité (Boddhi) qu'il délient de son prédécesseur Prajnatara (Panyata ou l'an Jo To Lo).

L'Empereur, considérant que cet homme a effectué plusieurs milliers de km pour demander cet entretien, décide de convoquer une assemblée extraordinaire composée des plus hauts dignitaires de l'Empire et des représentants du Bouddhisme en Chine. L'entourage impérial est tout d'abord très favorablement impressionné par la prestance et l'érudition du moine. Les dignitaires chinois exposent l'un après l'autre leurs oeuvres vis à vis du Bouddhisme ainsi que leur conception de cette religion. Boddhidharma les écoute gravement puis prend la parole.
Il n'y va pas par quatre chemins : le Bouddhisme chinois n'a plus rien à voir avec la conception du Bouddha ! Il accuse notamment les Bouddhistes de Chine d'interpréter à leur manière les textes et de donner trop d'importance aux aspects extérieurs de la Religion, à ce qu'il nomme des «colifichets».

Selon Boddhidharma, le Bouddha est dans le coeur de l'homme, dans le simple fait de puiser de l'eau ou de fendre du bois... non dans les dorures des temples, dans les statues de plâtre ou dans des reliques poussiéreuses. Les dignitaires sont furieux et l'entretien, on s'en doute, tourne à l'orage. L'Empereur Wu prend lui même la parole :
- J'ai multiplié les Temples du Bouddha, répandu dans tout l'Empire les textes sacrés, protégé les moines, affermi la religion comme jamais nul ne le fit avant moi ! Mes actions ne méritent-elles pas la considération du Saint Homme que tu prétends être ? Boddhidharma hausse les épaules :
- Aucune action méritoire dans aucun de ces actes !
- Quelle est selon toi l'action digne du Principe et de sa Vérité ?
- Le Principe. et sa Vérité habitent toutes choses et hormis ce principe et cette vérité, rien ne pourrait être sacré et encore moins méritoire !
L'Empereur Wu se lève, hors de lui :
- Qui es-tu donc en réalité pour oser proférer ce langage Boddhidharma sourit :
- J'avoue ne pas le savoir moi même !

Ayant fini cette phrase, le moine indien se retourne, écarte les gardes et quitte la salle en laissant l'assistance médusée. Nul jusqu'ici n'a jamais osé défier l'Empereur de Chine ni lui présenter le dos. Les dignitaires conseillent à l'Empereur de faire immédiatement châtier l'insolent. L'Empereur Wu hésite devant l'identité de Boddhidharma... Porter la main sur le 28e patriarche du Bouddhisme serait certainement une erreur, de plus les relations avec l'Inde pourraient s'en trouver modifiées... n'est-il pas également le fils d'un Roi ? Cette hésitation permet au moine de continuer son chemin. II tente à nouveau de prêcher la bonne parole, mais nul ne l'écoule... S'attirer les foudres de l'Empereur et des dignitaires n'est pas très conseillé à cette époque, et bon nombre de moines tiennent plus à la vie qu'à une remise en cause de la doctrine, fût-elle enseignée par un descendant du Bouddha ! Plus ou moins poursuivi par des sbires qui ont reçu l'ordre de le faire disparaître discrètement, Boddhidharma décide de se réfugier dans un monastère où il sera en sécurité... La réputation de Shaolin lui est déjà parvenue en raison de la rénovation de celui-ci par un autre moine indien : Batuo. Il traverse donc le Fleuve jaune, sur un simple roseau précise la légende, et se rend à Lo Yang puis à Deng Feng. Il gravit les pentes du Mont Song et demande l'asile au Monastère. Terriblement déçu et mortifié par l'altitude de l'Empereur et des Bouddhistes chinois, de son incapacité de convaincre les prêtres, il se réfugie dans une grotte, s'accroupir face à la paroi... et reste neuf années en méditation. Une légende raconte que ses larmes donnèrent naissance à un théier... une autre que Boddhidharma furieux d'être perturbé dans sa méditation par la fatigue se serait arraché les paupières et que celles-ci jetées sur le sol se seraient transformées en un arbre à thé. Depuis cette époque, le thé fut utilisé lors des cérémonies du Chan. Le Zen japonais conserve cette pratique dans le Cha No Yu (cérémonie du Thé) ! Pendant neuf années de réclusion volontaire, Boddhidharma se serait nourri exclusivement de ce breuvage. Puis, un jour, c'est l'illumination... le moine se met à comprendre le murmure des fourmis et le chant des oiseaux... il décide donc de transmettre sa nouvelle doctrine.

Pour ce faire, il rompt avec son prédécesseur Batuo qui enseignait la Voie du Hinâyana (Lente Bouddhique du Petit Véhicule) et déclare utiliser la Voie du Mahayana (Bouddhisme du Grand Véhicule). II propose d'utiliser la méditation (Dhyana) qu'il nomme Chan (Zen en Japonais). II définit l'esprit et le but du Chan de la façon suivante
- se référer aux paroles et non aux écrits
- ne dépendre ni des mots ni des lettres
- rechercher le Bouddha dans le coeur de l'Homme
- voir dans sa propre nature pour atteindre l'éveil.
Les moines de Shaolin sont subjugués et acceptent de prendre Boddhidharma comme Patriarche. Po Ti Ta Mo, de son nouveau nom chinois (souvent abrégé en Ta Mo ou Damo...) se retrouve donc à la tête du Monastère le plus célèbre de l'époque et décide d'initier les moines à la méditation.

Or, la plupart de ces moines sont dans l'incapacité physique et mentale de subir une période d'immobilité nécessaire à celte méditation. Au bout de quelques minutes, leur attention se relâche et ils sont obligés de modifier leur posture. Boddhidharma se rend compte que dans ces conditions, il lui sera impossible de transmettre sa doctrine. Il décide donc de créer une série d'exercices capables de fortifier le corps et le mental de ses disciples. Pour ce faire, il utilise l'Art Martial légué par ses prédécesseurs, Hui Gang et Zeng Gou, ainsi que ses connaissances personnelles dans le Yoga et le Vajramusti (lutte et boxe des Chevaliers Kshatriya). Il nomme cette méthode « Shi Pa Lo Han Sho » : les 18 mains de disciples du Bouddha (Lo Han). Les fondements de cette pratique sont répertoriés dans deux ouvrages, le Yi Kin King (ou Yi Jin Jing) «traité d'assouplissement des tendons et des muscles» et le Xi Sui King «traité de purification de la lunette et des sinus». La particularité de cette méthode est de lier la pratique martiale, la pratique de santé et la pratique religieuse.


LE DEPART DE BODDHIDHARMA
Boddhidharma n'est donc pas, et loin s'en faut, le créateur de l'Art Martial (de nombreuses écoles existaient en Chine plusieurs siècles avant sa venue), ni celui des techniques de santé (les Taoïstes proposaient déjà à cette époque une «gymnastique médicale» très au point), ni l'importateur du Bouddhisme en Chine... il réussit tout simplement le tour de force de réunir ces trois tendances dans une seule pratique !
Grâce à son enseignement, les moines de Shaolin peuvent, à présent, se livrer sans contrainte à la méditation... Malheureusement pour notre homme, ses disciples sont beaucoup plus intéressés par «les 18 mains de Lo Han» que par le fait de s'immobiliser face à un mur. On ne refait pas les Chinois ! La version martiale de l'enseignement de Boddhidharma éclipse donc peu à peu le but pour lequel elle avait été créée... Boddhidharma, une fois de plus dépité par la conception chinoise du Bouddhisme quitte le Monastère. En 557, on annonce sa mort. En fouillant sa tombe, on ne retrouve qu'une sandale et une robe... Plusieurs témoins, dignes de foi, nous n'en doutons pas, déclareront l'avoir rencontré en route pour les Indes, monté sur un tigre et chaussé de son unique sandale. Il laisse une oeuvre discutée et apocryphe : «La contemplation du Mur dans le Mahayana» (Tai Cheng Pi Krian)

Article tiré de http://www.tao-yin.com/

 

 

Sous la bannière du tigre et du dragon

Après le départ de Boddhidharma, la méditation Chan va peu a peu se séparer de la pratique martiale. Au 7e siècle, les moines aident l’empereur Tai Tsung a défaire les Mongols, assurant ainsi la renommée du Temple de Shaolin. Mais le 5è patriarche, Hueng Jen, va transformer les moines combattants en de véritables brigands.
Le successeur de Boddhidharma au monastère se nomme Hui Ko, et est considéré comme le second patriarche (486-593). Il est cité par certains comme le rédacteur véritable du Yi Kin King et Sui King. En réalité, Hui Ko n'a jamais caché son immense intérêt pour l'Art Martial... ni son scepticisme vis à vis de la méditation passive. II fut accusé d'avoir, de par son attitude, causé le départ de Boddhidharma.
A la tête du monastère Shaolin se succédèrent encore cinq de ses descendants spirituels : Seng Tsan (décédé en 606), Tao Shin (580-651), Hueng Jen (601-675), Huin Neng (ou Wei Lan 638-716) et Shen Hsiu (décédé en 716) qui prendront respectivement les Titres de 3e, 4e, 5e, 6e et 7e Patriarches.
Dans cette succession, vis à vis du Chan (Zen) quelques problèmes surviennent avec Wei Lan, qui contrairement aux autres est un laïc n'ayant jamais désiré prêter serment. Seul l'aspect méditatif l'intéresse et préférant rompre avec l'Art Martial, il quitte le monastère trois ans avant sa mort, en 713.
Durant ces trois années, il met en place un nouvel enseignement basé exclusivement sur la pratique assise (Za Zen)... enseignement rigoureux et austère qui trouvera sa voie d'abord en Chine puis au Japon dans la secte du Tien Tai (Chan) puis dans la secte du Tendai (Zen) et du Rimai (Zen). II ne sera déclaré 6e Patriarche de Shaolin que 83 ans après sa mort. La ligne de Boddhidharma s'éteindra en même temps que lui avec la mort du dernier patriarche Shen Hsiu en 716.

A cette époque, le Chan se séparera, presque définitivement, de pratiques jugées par trop martiales, celles-ci se limitant à Shaolin. Il faudra attendre les moines guerriers japonais du XIIIe et XIVe siècle pour que le bouddhisme renoue avec «le bâton et le sabre». A cette époque, le Monastère du Mont Hiei n'hésitait pas à rassembler 3 000 hommes pour menacer la Cour Impériale du Japon... L'empereur Shirakawa disait lui-même qu'il ne pouvait contrôler trois choses dans son pays : les dés au jeu de Sugoruku, la crue des eaux du fleuve Kamo et les moines guerriers du mont Hiei !
Parmi les successeurs de Boddhidharma à Shaolin, deux eurent vis à vis de l'Art Martial une réputation extraordinaire...


TIGRE BLANC ET DRAGON VERT

En 612, à la suite d'une querelle intérieure, un groupe de renégats expulsés du temple réussit à tromper la vigilance des moines et à mettre le feu à la pagode sacrée où sont entreposés les trésors de Shaolin. Miraculeusement, tout ce qui a trait à Boddhidharma échappe à l'incendie. Le quatrième patriarche décide, à la suite de cette catastrophe, de créer une garde spéciale particulièrement rodée aux techniques de combat à mains nues... et aux techniques d'armes. Jusqu'ici, les moines n'avaient pour se défendre que leurs bâtons. Ils reçoivent donc cuirasses, sabres, hallebardes... et apprennent à s'en servir. Une expédition punitive a lieu à Lo Yang où les renégats se sont réfugiés chez un mandarin peu scrupuleux. Douze moines armés jusqu'aux dents prennent la ville, massacrent les coupables et reviennent sans coup férir. Le chef de l'expédition, un certain Tan Zhong s'est particulièrement fait remarquer pour sa bravoure. Une stèle est dressée pour commémorer l'événement (celle-ci est toujours visible au temple...). La nouvelle de la prise de Lo Yang par 12 moines parvient aux oreilles de l'empereur Tai Tsung (Taizong ou LiChe Min 627-649) de la dynastie Tang. Or celui-ci a de graves problèmes avec une princesse Zheng qui entretient une rébellion ouverte contre le pouvoir impérial. Aidée par le Général Wang shi Chong et son neveu Wang Shi Gang, elle est parvenue à soulever plusieurs tribus du nord de la Chine... et s'allie avec Ies. Djurtchet et les Euleuthes habitant la Mongolie. Ces «barbares du nord» sont de redoutables guerriers et les troupes impériales subissent défaite sur défaite. Le trône lui même est gravement menacé. Les Mongols, en effet, se soucient peu des règles de la guerre à la chinoise et de son étiquette compliquée. Les lourds chars de guerre sont débordés par des nuées de cavaliers qui pratiquent l'escarmouche et disparaissent aussi rapidement qu'ils sont venus. Les arbalètes chinoises sont surclassées par les arcs... et les Mongols se montrent d'une férocité inouïe. Les soldats chinois se debandent peu à peu et la route du pouvoir est libre. N'ayant plus rien à perdre, Tai Tsung fait appel à Shaolin... Le monastère envoie immédiatement 500 moines au secours de l'empereur. Les moines ne sont pas soumis aux règles de la guerre... aussi créent-ils les leurs. Ils attaquent purement et simplement le quartier général ennemi en pleine nuit. Les Mongols surpris en plein sommeil sont massacrés et les survivants sont obligés de se livrer à un corps à corps féroce auquel ils ne sont pas habitués de la part des Chinois... Plus de stratégie, plus de ruse, plus de chevaux filant comme le vent, plus d'arc... mais bel et bien la nécessité de faire face pour sauver sa vie. Les moines surentraînés sont déchaînés et rivalisent de bravoure. Malgré une infériorité numérique écrasante, ils balaient les Mongols et parviennent à capturer vivants plusieurs chefs ainsi que le fameux Wang Shi Gong. Devant cette défaite retentissante, le général Wang Shi Chong décide de se rendre et de déposer les armes. La vie de son neveu est en jeu et les moines ne plaisantent pas & ils lui ont fait porter les têtes de tous les généraux tués ou capturés lors du combat ainsi qu'une lettre de son neveu expliquant que les survivants avaient été contraints de relever le défi des moines : défendre leur vie avec une arme contre les mains nues de Tuang Zhong, de Zhi Cao et de Hui Chang. Aucun des généraux vivants n'a survécu au combat & et l'état dans lequel les têtes se trouvent donnent à réfléchir à Wang Shi Chong. Non contents de cet exploit, les moines entraînent le reste de l'armée mongole dans un défilé montagneux et l'anéantissent sous une avalanche.
Le nom de Shaolin retentit dans tout l'empire & l'empereur se rend au monastère, annoblit Tan Zhong, Zhi Cao, Hui Chang et 14 autres moines. Il confirme le titre de «premier monastère de l'empire» et offre une stèle imposante. Par décret, il lève l'interdiction de consommer de la viande et du vin et accepte que Shaolin puisse entretenir une troupe d'armée.
A la suite de cette reconnaissance impériale, il sera de bon ton en Chine d'envoyer le «second fils» faire ses études religieuses à Shaolin & dûment accompagnés de présents & Le monastère restera toujours fidèle aux dynasties chinoises.


LES MOINES BRIGANDS

Les successeurs de Tao Shin, Hung Jen, le cinquième patriarche n'est pas un moine ordinaire ! De son véritable nom, Meng Shang, c'est en réalité un ancien général destitué, il n'a trouvé refuge que dans la religion pour échapper au banissement. Depuis la visite de l'empereur Tai Tsung, le monastère ne cesse de recevoir des dons et se constitue un trésor appréciable. Hueng Jen, soucieux de la réputation de Shaolin, entretient désormais, dans la plus totale légalité, une véritable armée qu'il dirige de main de maître. Ces moines combattants, bien que soumis au serment bouddhiste, ne sont pas astreints aux restrictions habituelles et consomment ce qui leur normalement interdit : le vin et la viande & Ils sont également autorisés à porter des armes. Au début, ils ne constituent qu'une sorte de garde d'honneur & mais peu à peu, sous l'influence de Hung Jen, ils dépassent les strictes limites du domaine & allant jusqu'à constituer une autorité militaire, religieuse et politique parallèle. Il devient donc tout à fait naturel de prélever quelques impôts supplémentaires dans le voisinage, puis de faire payer un «droit de passage». Le monastère n'est-il pas devenu le «premier monastère de l'empire» ? Il est donc juste que tous ceux qui habitent la région ou transitent, apportent leur modeste contribution ! Les hésitants ou les réfractaires sont rapidement mis au pas & et il n'est pas rare que de véritables rançons soient exigées. En réalité, les moines terrorisent toute la région et acquièrent vite la réputation de «moines de vins et de chair» & pour ne pas dire de «sac et de corde». Bien que par ce procédé le monastère s'enrichisse très rapidement, des problèmes internes se créent. Certains moines s'opposent à ces procédés, notamment Hui Neng qui deviendra par la suite le 6e Patriarche. La gestion de Hung Jen sera donc à l'origine profonde de la scission entre le Chan légué par Boddhidharma et Shaolin. A sa mort, Hui Neng, qui aura toujours refusé de prêter serment, se chargera de la direction du monastère en tant que vénérable laïc. Il quittera le monastère en 713, préférant aller pêcher la bonne parole ailleurs &dans des conditions plus tranquilles.
Son successeur Shen Hui ne réussira pas à maintenir l'intégrité du chan & et la lignée des descendants directs de Boddhidharma s'éteindra avec lui.
Hui Jen peut être considéré à juste titre comme un mauvais successeur sur un plan religieux ou spirituel & il n'en demeure pas moins l'artisan de la grandeur politique, militaire & et martiale de Shaolin.
En entretenant des relations privilégiées avec la cour impériale et les plus haut dignitaires de l'empire, il contribua à l'essor des arts martiaux dans les plus hautes castes de la société chinoise. Plusieurs moines Shaolin furent nommés conseillers militaires et enseignèrent l'art du poing aux généraux de la garde impériale & et à l'empereur lui même. Au décès de ce dernier, l'impératrice Wu Ze Tian (Wou Tso Tien), soutenue par les bouddhistes, et notamment par Shaolin, usurpe le pouvoir (683) et transfère la capitale à Lo Yang.
Elle entretient évidemment d'excellentes relations avec le monastère, mais déçue par Hui Neng qu'elle juge trop tiède, préfère faire construire un temple immense à Long Men & sa mort coïncidera presque avec le départ de Hui Neng de Shaolin.



Shaolin Nord & Sud

Il existe une certaine confusion concernant l'existence et la destruction du Temple. En fait, il y eu jusqu'à 5 monastères qui portaient ce nom. Le plus célèbre étant bien sûr celui du Hénan, ou Bodhidarma vint enseigner le Chan. Il y eu ensuite celui du Fukien (sud de la Chine) plus un troisième monastère situé dans la province du Hebei (au bord du lac Honglong). Enfin 2 autres temples, un situé dans le Fukien et l'autre dans le Sichuan furent entièrement détruis sous la dynastie des Ching. Comme tout ces monastères furent détruits, brûlés et reconstruits à plusieurs reprises au cours de leur histoire il s'en suit une confusion inévitable. Néanmoins, quand un maître chinois fait référence au Temple de Shaolin, il parle de celui du Hénan (où Bodhidarma, représenté ci-contre, a enseigné). Ce célèbre monastère a lui aussi été en partie détruit et restauré à plusieurs reprises. Sous le règne de l'empereur Kang Hi (1662-1722), de nouveaux bâtiments furent construits, dans lesquels on peignit des fresques martiales. Deux de ces fresques nous sont parvenues: peintes entre 1640 et 1800, elles représentent des moines à l'entraînement. Ces peintures sembleraient ajouter foi à la légende qui veut que les Indiens soient venus enseigner les arts martiaux. En effet, les maîtres y sont représentés comme des hommes à la peau foncée. Autre relique émouvante: les creux laissés dans le sol, dit-on, par les moines au cours de leurs entraînements, et qu'on peut voir dans la salle dite des 1000 Bouddhas.

Premiers nuages dans le ciel

En l'an 844, l'empereur Wou Tsong fait saisir le trésor du monastère de Shaolin. C'est le début d'une suite de conflits sanglants qui ne s'apaiseront qu'avec l'empire des Song, en 960. Mais le sort de Shaolin n'est pas réglé pour autant, car l'empereur autorise les laïcs à pratiquer les arts martiaux.


En 712, un nouvel empereur monte sur le trône & Hiuan Tsong (Xuan Zhong), contrairement à ses prédécesseurs, ne souhaite s'entourer que de poètes et de philosophes. Les destinées de Shaolin ne l'intéressent donc nullement. De son côté, le monastère dirigé par Shen Hui tente de retrouver la sérénité du temps de Boddhidharma et se retranche sur lui-même. En 755, un général d'origine turque An Lu Shan se révolte et marche sur la capitale. Cette fois-ci, nul ne peut l'arrêter et l'empereur est contraint au suicide. Cette révolte et ce suicide marquent la décadence et la fin de la dynastie des Tang qui ne réussira plus à s'imposer. A la suite de graves difficultés politiques, de nombreuses réformes fiscales ont lieu. L'une d'entre elles vise notamment les  monastères bouddhistes considérés  comme trop puissants ou  trop riches.


HUI CHENG ET L'ABOLITION DES MONASTERES

Shaolin est évidemment directement concerné et doit abandonner à l'état une bonne partie de ses richesses. Shaolin pour la première fois de son histoire, entre donc en sédition contre le pouvoir impérial, réussissant à faire valoir par la force son bon droit pendant quelques années. En 843, l'empereur Wou Tsong (Tangwusong) excédé promulgue un édit réquisitionnant les monastères. Shaolin ne cède pas. En 844, une forte armée impériale se présente au pied du Mont Song. Après une bataille acharnée, les moines sont finalement dispersés, le trésor saisi... et le monastère partiellement dévasté. Deux moines, Lu Zhishen, surnommé le moine tatoué, et Wu Song parviennent à s'enfuir et organisent une résistance  paysanne. Leur renommée est telle qu'ils serviront de modèle au fameux roman «Au bord de l'eau» et seront considérés par le peuple comme «deux des cent huit étoiles». A la suite de ces persécutions, un véritable climat d'insurrection se développera dans toute la Chine. En 875, un soulèvement populaire éclate dirigé par Huang Chao, lettré bouddhiste ayant étudié à Shaolin dans sa jeunesse. Ses armées conquièrent le Hopei et le Chantoung. En 879, Canton est assiégée et prise. L'empereur fait appel à ses anciens ennemis, les Turcs, pour le soutenir. Cela n'empêche pas Huang Chao de s'emparer de la capitale et de se proclamer empereur en 880.
Son premier geste est de restaurer les principaux monastères... Malheureusement en 884, les Turcs, enfin parvenus à leurs fins, s'emparent à leur tour de la capitale, s'emparent de lui et le tuent. Ils sont à leur tour battus par un ancien rebelle, Tchou Wen, qui replace sur le trône un prince de la Dynastie Tang, Hui Cheng. Celui-ci peu désireux de voir renaître une révolution populaire ou religieuse, abolit purement et simplement les monastères en 890... Plus de 4 500 temples et de 40 000 pagodes sont fermés. 300 000 bonzes et bonzesses sont expulsés et rendus à la vie civile. Les quelques centaines de milliers de serviteurs des monastères deviennent des serviteurs de l'état.
Tchou Wen se révolte de nouveau et en 907, après avoir destitué l'empereur, proclame   la fin de la dynastie Tang... et sa nouvelle dynastie des Leang.


SHAOLIN TOMBE EN DESUETUDE

Connaissant les ficelles du métier, Tchou fait tatouer le numéro de chaque régiment sur le front des soldats, ce qui empêche les désertions. Malgré ses promesses, il ne rétablit pas le bouddhisme, mais au contraire ordonne des persécutions sanglantes. Cela ne lui porte pas chance puisqu'il est poignardé par son propre fils... qui lui même est assassiné par l'un de ses frères qui se suicide peu de temps après... La dynastie des Leang aura duré 13 ans, et à la chute de celle-ci, la Chine toute entière est plongée dans une immense bataille pour le pouvoir entre Turcs et Chinois. Pendant près de 50 ans, époque connue sous le nom de «période des cinq dynasties», des armées ravageront le pays. Le monastère Shaolin sera directement touché par cette crise. L'avènement de l'empire des Song, en 960, ne permettra même pas son renouveau... l'empereur Tai Tsou autorisant la pratique des arts martiaux par des laïcs, le monastère tombé en  désuétude sera abandonné de 960 à 975.

Les ténèbres de l'an 1000

Après une période de déclin, le monastère de Shaolin retrouve son éclat sous les Ming (1360). Mais d'autres écoles voient le jour, notamment celle du Mont Wu Dang.

Aux alentours de l'air 1000, le monastère de la Petite Forêt connaît une nouvelle période de déclin. Il est vrai que la Chine elle-même est en triste état... A la suite des nombreuses guerres qui ont ravagé l'empire, plus d'un million de soldats désarmés hantent le pays où sévit une situation économique désastreuse. En 1069 plusieurs catastrophes d'une ampleur inégalée s'abattent sur la Chine : épidémies, tremblement de terre, sécheresse... des révoltes éclatent dans les campagnes où les villageois arment des milices. Chaque famille doit fournir au moins un homme valide. Les Arts Martiaux connaissent un essor populaire sans précédent... mais il n'est plus question d'étudier des années entières la technique ou la théorie ! Le combat à main nue fait place à l'utilisation d'armes meurtrières. La ruse et la férocité remplacent la bravoure. Le pays tout entier vit dans un état insurrectionnel et le plus fort impose sa loi. Devant cette situation, l'Empereur se voit obligé de procéder à d'importantes réformes. Après une courte période d'accalmie, les «barbares» Jin jusqu'ici massés sur la frontière déferlent sur la Chine. Ils assiègent la capitale Kaifeng et capturent l'Empereur en 1126. Son fils cadet Kao Tsong fonde l'Empire des Song du Sud. Il fait immédiatement appel à un expert dans l'Art dit Combat : le fameux Yueh Fei et le nomme Général en Chef des  Armées Impériales.


LA MORT DE YUEH FEI

Yueh Fei est une figure légendaire, virtuose de la lance et du combat à main nue. On lui attribue la paternité du Hsing I Chuan (Poing de l'Unité du Corps et de l'Esprit). Yueh Fei, à la tête de l'armée, inflige plusieurs défaites retentissantes aux Jin. Peu à peu, il repousse ceux-ci jusqu'à l'ancienne capitale. Au fur et à mesure des succès, sa popularité grandit et chose rare, il est acclamé jusque par les paysans qui lèvent des milices et renforcent de plein gré son armée. Jaloux de ce succès, le ministre de Kao Tsong intrigue auprès de l'empereur. Ce dernier rappelle Yueh Fei, le fait emprisonner. Peu de temps après le héros est empoisonné. Faible et soucieux de préserver sa tranquillité, Kao Tsong signe un traité avec les Jin, leur livrant officiellement tout le nord du pays. En 1276, les Jin sont à leur tour battus par les Mongols qui instaurent l'Empire des Yuan. Les Song du Sud tombent à leur tour et tout le pays est, pour la première fois de son histoire, placé sous une autorité non chinoise.

Les Mongols instaurent une dictature sociale, économique et militaire qui devient assez vite le ferment d'une résistance populaire. De nombreux militaires destitués se réfugient dans les monastères où, sous le couvert de la religion, ils mènent une subversion active. En 1280, l'un d'eux se présente à Shaolin. Il se nomme Yen, fils de Mandarin Militaire, il  est particulièrement versé dans les Arts du Combat à main nue et armée. C'est également un fervent admirateur de Yueh Fei, et il pratique le Yao Shan Shou, style de boxe créé par le fameux général. Sous son influence, le monastère retrouve la ferveur dans la pratique du Wu Shu et devient le berceau d'une société secrète qui a pour but de replacer un Chinois sur le trône impérial. Shaolin se transforme peu à peu en fief de la rébellion contre le pouvoir mongol et accueille les chefs de plusieurs de ces sociétés secrètes qui se feront connaître, plus tard, sous le nom de Triades : le Lotus Blanc, le Nuage Blanc, les Trois Bâtons d'Encens, les Piques Rouges... Un rituel d'initiation comprenant des épreuves martiales est mis en place. Une autre société secrète : les Turbans Rouges, entre en lutte ouverte contre le pouvoir. La révolte est matée à grand peine dans un bain de sang. Profitant de la situation, un paysan du nom de Tchou Yuan Tchang (Zhu Yuan Zhang) occupe Nankin (1356), prend Canton (1368) et se nomme Empereur à Pékin, instaurant la dynastie Ming (1368-1644).
En 1370, il proscrit les sociétés secrètes, mais en compensation offre un statut spécial aux monastères... Shaolin profite de la situation pour renforcer son pouvoir et délègue plusieurs conseillers à la Cour Impériale. Peu après la mort du premier Empereur Ming, à 75 ans, son fils cadet, Yong Le (1403-1425) invite le Patriarche Houen Chi Kuan à son couronnement, et lui fait un don somptueux qui lui permet d'agrandir le Monastère. Des relations privilégiées s'établissent entre le Trône Impérial et le Monastère. Un moine de Shaolin, Chang Wo (1376-1428) est nommé à la tête du Grand Conseil. Ce grand conseil consiste en fait dans une police secrète... Officiellement, Chang Wo est chargé des relations avec les provinces éloignées et les Etats environnants. Officieusement, il renseigne l'Empereur sur les faits et gestes des voisins. Ses divers voyages lui permettent des échanges fructueux. Passionné par les Arts du Combat, il n'hésite pas à démontrer ses talents... Il est probablement le premier à faire connaître le Wushu en dehors des frontières de la Chine, et à répandre la renommée de Shaolin tant au Vietnam qu'au Cambodge, en Birmanie ou en Thaïlande... Ses ambassades en Corée ou à Okinawa, où il laisse des conseillers militaires, influeront notablement .sur la pratique des Arts Martiaux dans ces pays. Hung Zi, le successeur de Yong Le, fait assassiner Chang Wo en 1428 et dissout la fameuse police secrète qu'il jugeait trop dangereuse. L'action de Chang Wo vis-à-vis des Arts du Poing Chinois aura été d'une première importance et aura permis d'influencer, jusqu'à nos jours, la pratique martiale dans tout l'Extrême-Orient... Il fut à la base des premières méthodes okinawéennes qui peu à peu deviendront le Karaté Do. II fut également à la base de plusieurs écoles anciennes de Taekwondo...

 

C'est alors qu'au 16e siècle (1547), apparaît Kiog Yuan (Chueh Yuan). D'origine noble, cet expert en arts martiaux rejoint le temple de Shaolin et décide de réviser les 18 mouvements de Boddhidarma. Il les amène à 77 techniques. Puis il voyage à travers la Chine afin de compléter ses connaissances. Il revient au monastère avec deux autres experts, Pai et Li. Ensemble, les trois hommes mettent au point un système complet de 170 mouvements, contenant 5 styles qui, par la suite, serviront de base à des dizaines d'autres.

LA PERIODE D'OR

Malgré cette considérable extension vers l'extérieur... ou peut-être à cause d'elle, tout ne va plus pour le mieux à Shaolin. De très nombreuses écoles se sont disséminées dans toute la Chine (Fan Tzi Chuan : Boxe des Serres de l'Aigle... Tara Toi : les Jambes Volantes... Tang Lang Chuan : Boxe de la Mante Religieuse... Tsui Pa Hsien : Boxe de l'Homme Ivre...) ; mais surtout, sous l'influence des Taoïstes, une autre montagne que le Song Shan devient peu à peu le haut lieu des Arts du Poing. Située à une cinquantaine de kilomètres au sud de la ville de Jun Xian dans le nord du Hubei, le Mont Wu Dang fait parler de lui comme étant le lieu de pratique d'une nouvelle méthode : «la Voie Souple du Mont Wu Dang». Un personnage légendaire, Chan San Feng, est présumé être le créateur de cette nouvelle forme de Wu Shu. Connu sous le pseudonyme de «Maître des Trois Pics», il a intégré les principes de la philosophie du Tao à la pratique martiale. Selon lui «la Boxe ne doit pas servir à écourter la vie, mais au contraire à prolonger celle-ci...» La nouvelle méthode est à la fois un art de combat et une technique de santé. En réalité, il est fort probable que les Taoïstes désireux de reconquérir une influence perdue aient choisi l'Art Martial comme le meilleur moyen de s'opposer aux Bouddhistes... et notamment à ceux de Shaolin. Chang San Feng n'est qu'un faire-valoir et n'a peut-être même jamais eu d'existence réelle. Le choix du Mont Wu Dang, dans cette optique, n'est pas innocent... Celui-ci jouit en effet d'une réputation importante, car il est le siège de la Divinité Zhen Wu, le Guerrier Céleste. Peu à peu, au cours des âges, de nombreux bâtiments se sont érigés sur le Wu Dang Shan et constituent à la fois un lieu de repos et de visite des pèlerins. Jusqu'ici, les prêtres taoïstes étaient versés dans les Arts Divinatoires et dans les techniques de Longue Vie (Yang Shen).


L'ECOLE DE WU DANG

Leurs pratiques, notamment la Gymnastique Taoiste, sorte de Yoga Chinois, étaient réservées à une certaine élite intellectuelle et ne remportaient pas le succès escompté vis-à-vis du commun des mortels.
De là à envisager la création pure et simple d'une nouvelle conception du Wu Shu, il n'y avait qu'un pas qui fut très vite franchi.
Pour mieux se démarquer des Bouddhistes... et de Shaolin, la nouvelle méthode prônait l'utilisation de la souplesse, du mouvement continu, voire de la lenteur. Au lieu de la force physique, elle préconisait la recherche de l'Energie Vitale (Chi), ainsi que l'étude systématique des points vitaux. Les résultats furent très vite positifs, et de nombreux pratiquants des «Styles Durs» se convertirent. Peu à peu, les pratiquants du Wu Dang se taillèrent une réputation de combattants exceptionnels. Cette école fut à l'origine directe du Tai Chi Chuan (Poing du Faite Ultime), du Hsing I Chuan (Poing de l'Unité du Corps et de l'Esprit) et du Pa Kua Chuan (Poing des Huit Trigrammes), dont on connaît la popularité actuelle : plusieurs millions de pratiquants dans le monde entier.

La fin de Shaolin

C'est en 1644 que la dynastie des Ching s'installe au pouvoir, c'est la fin des Ming. En 1660, un légaliste Ming, Kouo Sing Ye (Koxinga), mène la rebellion contre les Mandchous et prend la ville de Nankin, avec le soutien de Shaolin. En 1662, Kang Hi, un nouvel empereur, monte sur le trône. Il entreprend aussitôt la reconquête du Sud de la Chine. Des monastères suspects sont rasés, des milliers de rebelles executés… Kang Hi offre un panneau de bois laqué ornant toujours l'entrée du monastère; Shaolin s'incline devant ce nouvel Empereur. Mais en 1736, Kien Long (petit fils de Kang Hi, nouveau maître de la Chine) décide d'en finir avec le monastère, centre de nombreuses rebellions: le Temple Shaolin du mont Song est investi et en parti détruit. 

 

En 1736, le monastère du mont Song Shan est investi par les troupes mandchoues. Cinq moines parviennent à s'échapper et vont diffuser leur art dans toute la Chine. A partir de cette date, la boxe de Shaolin va se répandre inexorablement, jusqu'à la révolte des Boxers.

L'école du Wu Dang, qui garde une mauvaise dent contre Shaolin, décide, par principe, d'apporter son soutien au nouveau pouvoir... ce qui n'arrange pas les rapports déjà très tendus entre pratiquants des styles externes et pratiquants des styles internes ! Chouen Tche s'est montré conciliant avec les Chinois... Trouvant la civilisation à son goût, il se borne à tenir conseil, ne dédaignant pas les rites de la Cour et ses fastes, il s'entoure de Fils de Han, et ferme les yeux sur ce qui se passe dans le Sud. Il commet l'erreur de mésestimer la valeur militaire de Shaolin... Que peuvent donc bien faire quelques prêtres contre ses fiers cavaliers aux Huit Bannières ?
Un catalyseur exceptionnel met le feu aux poudres... Le jeune Kouo Sing Ye, soutenu par ce même Shaolin, lève une armée, investit Nankin, défait une flotte de plus de 800 jonques à Amoy, s'empare de Formose où déjà de nombreux légalistes Ming se sont réfugiés et lance de multiples expéditions dans la province de Canton et de Fukien. Koxinga, c'est le nom qu'on lui donne jusqu'en Occident, tient en échec le trône des Mandchous... II est vrai qu'il a également profité de la prise de Formose pour jeter à l'eau Hollandais et Portugais qui s'y étaient installés.
En 1662, l'Empereur Kang Hi succède à Chouen Tche. A treize ans, il se débarrasse des régents, les fait décapiter et prie les conseillers chinois de se faire pendre ailleurs. II entreprend immédiatement la reconquête du Sud et réussit à confiner Koxinga dans son île. Plusieurs monastères suspects sont rasés et des milliers de rebelles sont capturés et exécutés. Shaolin préfère traiter avec ce nouvel empereur qui ne se laisse pas manSuvrer. Pour faire acte de clémence, Kang Hi offre une magnifique sculpture de bois laqué pour orner le portail principal... Celle-ci est toujours en place de nos jours. Cela n'empêche pas les rebelles Ming de trouver un autre moyen d'action : les sociétés secrètes connues sous le nom des Triades... lesquelles se réunissent immédiatement sous la protection de Shaolin. Cette situation ambiguë s'éternise jusqu'en 1730. Le fils de Kang Hi n'est pas dupe et saisit une opportunité pour lancer une vaste opération de représailles contre le Monastère. Une première attaque est repoussée mais en 1736, le Monastère du Song Shan est investi et en partie détruit. Les moines sont exterminés, mais cinq d'entre eux parviennent malgré tout à s'échapper : Hung Te Ti, Liu Ta Hung, Choi Te Chung, Li Che Kai et Mo Shao Hsing.
Afin d'échapper aux recherches ils se rendent dans le Sud, encore favorable aux Ming. Par précaution certains modifient leurs noms... Hong Te Ti, Liu Ta Hung, Choi le Chung, Fi Che Kai et Mo Shao Hsing créent chacun une École à partir de leurs connaissances personnelles de l'Art de Shaolin. Ils décident d'un commun accord de donner à ces cinq nouvelles écoles leur ancien ou nouveau nom de famille : Hung Gar Chuan (Poing de la Famille Hung), Liu Gar Chuan (Poing de la famille Liu), Choi Gar Chuan (Poing de la Famille Choi), Li Gar Chuan, (Poing de la famille Li) et Mo Gar Chuan (Poing de la famille Mo). Bien que deux autres moines, Yun Tsung et Chih Kong aient décidé de recréer l'École Shaolin dans le monastère Ju Liait Shah du Fukien, il est considéré que l'Ancien Style est contenu dans ces Cinq Écoles.

Le Vieux Monastère du Mont Song étant officiellement démantelé, ils se réfugièrent dans le Petit Monastère Shaolin du Mont Ju Lian, dans le Fukien. Reçus par les Moines Yung Chung et Tche Kong, l'École ayant été détruite, les cinq survivants décidèrent de créer, à partir de leurs connaissances propres, cinq écoles spécifiques portant simplement leur nom de famille : Hung Gar, Liu Gar, Choi Gar, Li Gar et Mo Gar. Ces cinq écoles resteront, jusqu'à aujourd'hui, les descendants authentiques de l'ancien style Shaolin et détiendront, chacune, une parcelle de la Vérité. Un élève de Tche Kong, Tche Shan, qui deviendra le supérieur du Monastère, essaiera de restaurer l'ancien style en invitant au Monastère quatre Maîtres réputés : Pai Mei, Feng Tao Te, Miao Hsien et Wu Mei...
A eux cinq, ils finirent par recréer une forme quelque peu bâtarde... et se proclamèrent bientôt «Les Cinq Maîtres de Shaolin», laissant planer une certaine ambiguïté. Tout n'allait certainement pas pour le mieux entre eux puisque Pai Mei et Feng Tao Te rejoindront peu de temps après l'École du Wu Dang. Pai Mei donnera naissance peu de temps après au Pai Mei Chuan (Pal Mei ou Pak Mei) ou «Boxe des Sourcils Blancs».
Tche Shan, aidé par son disciple Hsing Ying, instructeur en chef du nouveau Monastère Shaolin et de la non moins nouvelle école, formera ce que l'on nomme les «Dix Tigres du Shaolin du Sud»... qui en fait étaient onze : Hong Shi Kuan, Liang A Sung, Hu Hui Kien, Fang Shi Yu, Tong Kien Tsin, Fang Hsiao Yu, Hsie Ha Fu, San Te, Fang Mei Yu, Liu Chiueh Lin et Lu A Choi... En 1768, le temple du Fukien est attaqué par une armée mandchoue à laquelle se sont joints Feng Tao Te et de nombreux élèves de l'École Wu Dang. Fang Shi Yu, Tche Shan, Hsing Ying et surtout Tche Shan meurent dans l'incendie. Les autres moines se dispersent dans la province de Canton et y propagent le Wu Shu. De cette époque date la prolifération des écoles... Hong Shi Kuan se marie avec Fang Yon Chan, nièce de Fang Shi Yu, qui crée le style Wing Chu. Incorrigible, San Te fonde un nouveau Shaolin dans la Guangzhou sur le Mont Seu... Il y est bientôt rejoint par les Moines Hu Hui Kien et Tong Kien Tsin. Ils renouent immédiatement avec les sociétés secrètes et reprennent leurs activités anti-mandchoues. Ce qui devait arriver ne tarda pas : le dernier bastion est aussitôt attaqué et détruit par l'armée impériale, toujours avec le concours de l'Ecole du Mont Wu Dang qui n'a toujours pas pardonné les mesures de persécution ordonnées à l'encontre des praticiens du Tao par l'intermédiaire de Chi Chi Kuang... Donc de Shaolin.
Cette fois-ci, le Temple de la Petite Forêt, et ses divers avatars légitimes ou non, sont donc anéantis... Du moins, le croit-on en haut lieu !
II demeure malgré tout une multitude d'écoles se référant à Shaolin... sans compter les Cinq Styles qui se répandent avec succès puis qui se multiplient : Choi Gar et Li Gar fusionnent et s'allient avec une autre famille : Fut... Ce qui donne aussitôt le Choi Li Fut Chuan ou Poing des Trois Familles... L'Ecole Hung Gar, jusqu'ici très fermée, s'allie à son tour avec un descendant de Hong Shi Kuan, créateur du Style du Tigre et de la Grue. Wang Lang, l'un des disciples de Fang Mei Yu, crée l'Ecole de la Mante Religieuse... qui se sépare en deux tendances, style du Nord et Style du Sud... etc...
Le phénix renaît donc des cendres du Tigre et du Dragon... Shaolin ne put détruire l'Ecole Wu Dang, Wu Dang ne réussit pas à se débarrasser de Shaolin... le contentieux entre les deux Ecoles étant très lourd, on comprend qu'il subsiste une certaine animosité entre l'externe et l'interne, animosité encore entretenue de nos jours par certains, sans trop savoir pourquoi.
Les Mandchous quant à eux auront toujours un problème avec le Wushu... cela aboutira à la révolte des Turbans Rouges, à la révolte du Lotus Blanc, à la révolte des Yi Ho Tuan ou «Boxeurs» ... et par contrecoup, à la création de la République de Chine en 1911.
Shaolin éclaté est plus fort que jamais puisque présent dans la majorité des écoles... ceci en Chine, en Corée, à Okinawa, au Japon, au Viet-Nâm, en Thaïlande... Son influence fut gigantesque... à tel point que de nos jours, certains se parent encore des plumes du Phénix en prétendant «posséder les secrets de l'Ecole du Monastère de la Petite Forêt»...Ces plumes sont dures à porter...Si l'on n'y prend pas garde, elles font très vite ressembler à un paon ou à un faisan... et les élèves se retrouvent comme des dindons !

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Article tiré de http://www.tao-yin.fr // Georges Charles

 

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